Dans un contexte où la part des personnes âgées augmente de manière importante (20 millions de personnes en France à l’horizon 2045 contre 14 millions en 2011) et les revenus des ménages retraités faiblissent, l’habitat intergénérationnel est vu comme un double remède à l’isolement des personnes âgées, à leur précarité financière et aux difficultés d’accès au logement des jeunes.

L’habitat intergénérationnel encourage  à repenser le lien social avec la volonté de faire se rencontrer et s’entraider les générations : Il engendre une grande créativité en matière de montages immobiliers et de modes de gestion de la part des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux , des promoteurs privés et des habitants eux-mêmes qui cherchent à mettre sur pied leur propre solution d’habitat groupé. Si les initiatives sont multiples, elles convergent au moment du portage du projet. L’étude, après une exploration de plusieurs exemples français d’habitat intergénérationnel, met en évidence les conditions particulières de montage et de gestion des  projets vu sous l’angle des relations humaines et  préconise  des solutions à mettre en place dès la conception pour prévenir du conflit les initiateurs de  ces habitats innovants  et pour préserver les bonnes relations entre habitants et  gestionnaires ou habitants/gestionnaires dans le modèle de l’habitat participatif.

L’objectif de l’étude est de proposer des pistes de réflexion pour favoriser une mise en place harmonieuse des projets offrant des réponses aux besoins sociaux des personnes âgées et permettant aux maitres d’ouvrage ( collectivités, bailleurs promoteurs) d’enrichir le projet en tenant compte des besoins particuliers des  habitants.

La lecture de  ces extraits  permet de :

  • comprendre le montage de ces projets particuliers, leur mode de gestion ainsi que les relations qui existent d’une part entre les différents intervenants et les habitants, et d’autre part entre les habitants eux-mêmes,
  • donner des pistes pour favoriser le  lien social entre les habitants de générations différentes et prévenir les conflits éventuels entre les habitants, entre habitants et gestionnaire.

 

Les spécificités de l’habitat intergénérationnel :

L’habitat intergénérationnel ….ce sont des projets innovants, complexes parce qu’ils relèvent de montages techniques, financiers particuliers et mettent en relation des acteurs qui sont encore peu habitués au travail en commun. Comme toute opération immobilière, leur montage tient plus du prototype que de la série ; Sa bonne livraison requiert alors une multiplicité d’acteurs aux compétences très spécialisées et l’assurance de la permanence d’un dialogue entre eux pour bien mener à son terme le projet dans des délais impartis tout en servant son ambition d’origine [1]

Les partenaires à l’origine du projet sont :

  • La collectivité pour le foncier qu’elle apporte et l’ambition qu’elle communique,
  • Le constructeur et l’aménageur pour la mise en œuvre,
  • Le bailleur pour la gestion immobilière et quelquefois pour la programmation.

 

Les collectifs de futurs habitants souhaitent de plus en plus s’impliquer dans le projet. De ce fait, ces opérations apparaissent pour l’ensemble des acteurs comme des « moutons à 5 pattes » riches mais comportant des risques multiples.

Les propositions en matière d’habitat des personnes âgées devront intégrer la nécessité de l’accroissement du nombre de contacts et de leur qualité. La mixité intergénérationnelle est mise en avant ; or le lien intergénérationnel est spécifique mais comme tout lien social, il repose sur un double besoin des individus[2] de protection et de reconnaissance. Le besoin de reconnaissance, corrélée à l’estime de soi, est mis à mal lors du vieillissement qui est souvent vécu comme un renoncement, alors que ce peut être une occasion de rebondir.

La participation sociale est défendue par l’OMS [3] comme un levier essentiel pour favoriser le bien vieillir : elle permet à la fois le développement d’une culture de la responsabilisation et une plus grande efficience des programmes de prévention ou de comportement, dès lors qu’ils sont co-construits avec les bénéficiaires.

La plupart des projets de résidence pour personnes âgées rendent conforme l’habitat avec les nouveaux besoins liés au vieillissement [4], prenant en compte notamment la réduction des facultés physiques et cognitives. Les projets intergénérationnels s’appuient sur les bienfaits de la relation comme un remède compensatoire aux changements ; tandis que les résidences collectives classiques prévoient des espaces de rencontre internes ou externes aux bâtiments, les habitats intergénérationnels encouragent le lien des résidents entre eux mais aussi avec leur environnement.

[1]Cette question est valable dans le contexte de l’habitat participatif uniquement car dans ce cas de figure, les habitants prennent part au montage de l’opération.

[2]Conférence donnée à Martigues par Serge Paugam le 9 avril 2014 à la librairie L’Alinéa, autour de l’ouvrage « L’intégration sociale, Force, fragilité et rupture des liens sociaux » paru en 2014 (collection « Le lien social », PUF).

[3] Organisation Mondiale pour la Santé

[4]Définition de l’Habitat regroupé, qui fait partie des formes d’hébergement proposé aux personnes âgées, dans la loi du 28 décembre 2015

Du montage d’opération à la cohabitation: des difficultés à surmonter

La mise au point de projets d’habitat intergénérationnel peut se confronter à plusieurs difficultés.

  1. La multiplicité des acteurs et notamment l’implication des usagers dans un contexte d’expérimentation rend le processus de conception et de mise au point du projet plus lent, mais elle l’enrichit aussi en favorisant l’expression des besoins, des intérêts et des différends
  2. L’habitat intergénérationnel, c’est donc le choc des cultures ! Des conflits peuvent naitre d’un déficit d’information du côté des futurs habitants, ou d’un défaut de sociocratie du côté de la maitrise d’ouvrage
  3. Il n’est pas aisé de trouver le juste rôle des habitants dans le projet. Dans les opérations classiques, ils entrent généralement en scène au moment de la réception logements neufs ou de la remise de clé des logements anciens tandis que dans l’habitat participatif, ils sont parties prenantes de la conception du projet.
  4. L’émergence d’un projet souhaitée par plusieurs structures – bailleur social, collectivité, foyer de jeunes travailleurs, collectif d’habitants… pose la question du portage de l’opération : qui est représentant des intérêts des autres ?
  5. Comme tout projet d’aménagement, le maitre d’ouvrage est confronté aux difficultés classiques telles que le recours des tiers en phase permis de construire mais certains projets intergenérationnels accueillant des jeunes en situation de précarité ( comme par exemple les opérations habitat et humanisme) sont plus questionnés par les riverains.